Le Pape François vient de publier en italien un livre autobiographique intitulé Spera (l’Espérance). Notre confrère Tribune Chrétienne s’est procuré en exclusivité des passages de cet ouvrage qui sort en France ce 15 janvier. On y découvre quel regard porte le Saint Père sur les jeunes pèlerins de Chartres qui prient pendant trois jours au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Eglise : « C’est curieux, cette fascination pour ce que l’on ne comprend pas, qui a un air un peu occulte, et qui semble parfois intéresser même les générations les plus jeunes. Souvent, cette rigidité s’accompagne de toilettes recherchées et coûteuses, de dentelles, de rubans, de chasubles. Non pas un retour au sacré, mais tout le contraire : une mondanité sectaire. Parfois, ces déguisements dissimulent des déséquilibres, des déviations affectives, des problèmes comportementaux, un malaise personnel qui peut être instrumentalisé…»
Voilà ce qu’écrit notre Père Commun… On n’imagine pas Jean-Paul II ou Benoît XVI oser de tels amalgames. Mais François, depuis Traditionis Custodes, nous a habitué au principe de l’accusation sans fondement et de la punition collective. Ces propos de Spera ne doivent donc pas nous étonner. Ils peuvent, en revanche nous affliger. Ils doivent, à certains égards, nous interroger : comment comprendre le subjectivisme qui guide ces propos, comme si le point de vue du Pape sur l’attachement à la liturgie traditionnelle ne pouvait se construire que par auto-référence, sans considération du mystère sacré qui est en jeu ou de ceux qui s’en nourrissent ? Comment comprendre le recours à de telles caricatures et de tels amalgames ? Comment comprendre la référence exclusive à ce qui est transitoire, fugitif, en mouvement, et cette condamnation de ce qui est enraciné, stable, permanent : « Si on n’avance pas, écrit le Pape, si on ne bouge pas, la vie, qu’elle soit végétale, animale ou humaine, meurt. Cheminer veut dire changer, affronter des paysages nouveaux, accepter des défis nouveaux. » Cette dernière citation de Spera n’a-t-elle aucune parenté de pensée avec cette autre citation : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières ; ce qui importe, c’est de le transformer » (Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, 1845) ?
Union Lex Orandi
« Il est établi aujourd’hui que la célébration de la messe selon le missel préconciliaire, en latin, doit être expressément autorisée par le Dicastère pour le Culte, qui ne l’accordera que dans certains cas particuliers ; parce qu’il n’est pas bon que la liturgie devienne idéologie.
C’est curieux, cette fascination pour ce que l’on ne comprend pas, qui a un air un peu occulte, et qui semble parfois intéresser même les générations les plus jeunes.
Souvent, cette rigidité s’accompagne de toilettes recherchées et coûteuses, de dentelles, de rubans, de chasubles.
Ce n’est pas un goût pour la tradition, mais une ostentation de cléricalisme, qui n’est rien d’autre que la version ecclésiastique de l’individualisme.
Non pas un retour au sacré, mais tout le contraire : une mondanité sectaire. Parfois, ces déguisements dissimulent des déséquilibres, des déviations affectives, des problèmes comportementaux, un malaise personnel qui peut être instrumentalisé….
Un cardinal étatsunien m’a raconté qu’un jour, deux prêtres fraîchement ordonnés étaient venus le trouver pour lui demander l’autorisation de célébrer la messe en latin.
« Vous connaissez le latin ? » a demandé le cardinal.
– Non, mais nous allons l’apprendre, ont répondu les deux jeunes prêtres.
– Alors, vous allez faire comme ça, a dit le cardinal. Avant d’apprendre le latin, observez votre diocèse et regardez combien il compte d’émigrés vietnamiens : commencez par apprendre le vietnamien. Mais quand vous aurez appris le vietnamien, considérez la multitude de paroissiens de langue hispanique, et vous comprendrez qu’apprendre l’espagnol vous sera beaucoup plus utile pour votre service.
– Après le vietnamien et l’espagnol, revenez me voir et nous reparlerons du latin.
La liturgie ne peut être un rite en soi, en marge de la pastorale. Ni un exercice d’un spiritualisme abstrait, enveloppé dans un sens fumeux du mystère. La liturgie est une rencontre, c’est un retour vers les autres. Les chrétiens ne sont pas ceux qui retournent en arrière. Le flux de l’histoire et de la grâce va du bas vers le haut, comme la sève d’un arbre qui donne des fruits.
Sans ce flux, on se momifie, et en retournant en arrière, on ne reste pas en vie, jamais.
Si on n’avance pas, si on ne bouge pas, la vie, qu’elle soit végétale, animale ou humaine, meurt.
Cheminer veut dire changer, affronter des paysages nouveaux, accepter des défis nouveaux.
Dans son Commonitorium primum, au XVe siècle déjà, Vincent de Lérins, vénéré tant par les catholiques que par les orthodoxes, écrit que le dogme de la religion chrétienne s’appuie sur les lois suivantes : il progresse, en se consolidant avec les années, en se développant avec le temps, en s’approfondissant avec l’âge.
La compréhension de l’homme se modifie avec le temps, et avec elle sa façon de se percevoir lui-même et de s’exprimer : une chose est l’humanité qui s’exprime en sculptant la Victoire de Samothrace, une autre celle du Caravage, une autre encore celle de Chagall et de Dalí. C’est ainsi que la conscience des hommes s’approfondit. »
Extraits de SPERA – Pape François
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